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Bibliobus Province de Hainaut
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6 mai 2013

Du papier à la toile

 

LE LIVRE

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Un de ses amis, le marquis de Croismare, s'étant intéressé au sort d'une jeune femme qui demandait à sortir du couvent où elle avait été placée contre son gré,

Diderot eut l'idée facétieuse, en 1760, de lui adresser des lettres prétendument écrites par la religieuse qui lui demandait secours. Le marquis tomba dans le piège, une correspondance s'ensuivit, et l'écrivain, pris à son propre jeu, finit par composer les mémoires queSuzanne Simoninétait censée avoir écrits à l'attention de Croismare.

« Effrayante satire des couvents » - la formule est de Diderot-,ce roman d'une destinée malheureuse est d'une impitoyable vérité. Mais d'une vérité également engagée, car derrière la voix de Suzanne résonne celle de l'auteur lui-même, qui ne consent pas à voir l'épanouissement humain entravé par l'enfermement ni les exigences de la nature bafouées par la complaisance conjointe des familles et de l'église. Dideroty est présent tout entier.                                                                                                      

 Claire Jaquier

LE FILM

Réalisateur : Guillaume Nicloux,. Acteurs : Pauline Etienne, Isabelle Huppert, Louise Bourgoin, Pascal Bongard, Martina Gedeck, Agathe Bonitzer, Gilles Cohen, Alice de Lencquesaing, Françoise Lebrun,

 

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Quand avez-vous lu le roman de Diderot pour la première fois ?
A l'adolescence. Cet âge où l'on reçoit les œuvres de plein fouet, sans que rien ne vienne amortir le choc. Le livre a laissé en moi une trace profonde, pendant des années, voire des décennies. Mais entre le désir de franchir le cap et la faisabilité de l'adaptation, il peut s'écouler un certain temps. Il m'en a fallu pour envisager le roman sans l'étiquette anticléricale qu'on lui collait…/… Il me semble qu'au cœur du roman, il y a surtout un réquisitoire contre l'intolérance et une ode à la liberté. 

Quelle sont les résonnances contemporaines de ce livre publié à titre posthume en 1796 ?
Si l'on veut bien regarder plus loin que notre petite France rassurante, on s'aperçoit que des sociétés patriarcales moyenâgeuses continuent d'opprimer à tout-va. Quand ma fille adolescente a lu La Religieuse, elle a été frappé de voir combien l'actualité lui faisait écho. A ce moment-là, on parlait beaucoup d'une jeune femme à qui son mari avait coupé le nez et les oreilles, en toute légalité. On pourrait multiplier les exemples : en Inde, au nom d'une tradition hindouiste, des femmes sont encore brûlées vives sur le bûcher funéraire de leurs défunts maris. Vous voyez beaucoup de différences avec certaines pratiques d'il y a deux siècles ?
Diderot a pointé deux grands maux qui persistent encore aujourd'hui : l'impossibilité de vivre sa religion comme on l'entend et l'hégémonie masculine.

Avez-vous été tenté de transposer l'action à notre époque ?
Non, car j'avais envie de travailler cette langue du XVIIIe. La difficulté était de savoir comment la faire sonner avec modernité. Comment la rapprocher de nous pour qu'elle nous parle, au plus près. Je suis reparti du texte lui-même, parfois pour mieux s'en éloigner. La Suzanne Simonin de
Diderot subit et souffre du début à la fin. C'est le portrait d'une victime : la femme dans le milieu carcéral du couvent. Pour éviter tout systématisme, j'ai voulu offrir au personnage une palette beaucoup plus large, en faire une combattante plutôt qu'une souffre-douleur. Ma Suzanne se rebelle mais sans renoncer à sa foi. Dieu n'est pas son ennemi, contrairement à ceux qui l'empêchent de vivre sa religion hors du cloître. Avec le scénariste Jérôme Beaujour, nous avons aussi ajouté une dimension romanesque au récit en introduisant la question de la filiation. Ce thème des ancrages familiaux me fascine depuis toujours, et il avait le mérite d'amplifier l'empathie que l'on peut ressentir pour Suzanne.

Vous dites qu'il s'agissait de « trahir le plus fidèlement possible » le roman...
Une adaptation implique des strates d'interprétations successives, donc de la trahison, forcément. Je me suis réapproprié La Religieuse lors d'une deuxième lecture, en notant de manière instinctive et spontanée les scènes, impressions, images qui me marquaient le plus. A partir de ces données, j'ai commencé à tisser une suite, une progression et à introduire les éléments romanesques dont j'ai déjà parlé. Le personnage principal m'a inspiré autant que le cadre dans lequel il évolue : cet univers carcéral, ce monde clos dans lesquels certains ont besoin de s'enfermer pour faire tomber les murs de leur esprit.

Contrairement à Rivette, dont la Suzanne Simonin jouée par Anna Karina se suicidait, vous choisissez de finir le film sur une note d'espoir. Pourquoi ?
Cela aurait été trop facile d'aller vers la noirceur. Trop simple de la voir renoncer après avoir tant combattu. Je trouvais légitime de lui permettre de profiter de sa libération : ce n'est pas anodin si l'un des derniers plans du film s'ouvre sur la nature. Au moment de conclure, cette fin ouverte et panthéiste s'est imposée elle-même.

Entretien : Mathilde Blottière ; http://www.telerama.fr/

 

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